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DIALOGUE ENTRE CHRISTINE CAYOL ET FABRICE HYBER

Dans le cadre du Mois Franco-Chinois de l'Environnement, organisé par l'Ambassade de

France en Chine, nous avons eu la chance de

recevoir Fabrice Hyber pour un dialogue avec

Christine Cayol, autour de son parcours, ses inspirations, ses aspirations...






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Christine Cayol : La vie fait parfois bien les choses, et tu as été élu à l’Académie des Beaux-Arts, à Paris, succédant à l’artiste chinois Chu Teh Chun. Comment perçois-tu la Chine et qu’est-ce que l’évocation de cet artiste produit chez toi ?

Fabrice Hyber : Je suis content de revenir en Chine après un petit coup d’essai en juin. J’adore le temps, la nourriture, la réactivité des gens, je trouve cela très agréable. En fait, je découvre la Chine, car j’étais venu il y a dix ans mais dans d’autres contextes. A présent, je la découvre différemment par le travail et les projets qui pourront surgir, car ce qui m’intéresse toujours c’est de travailler dans les lieux où je me rends.

Quand j’ai été élu à l’Académie, au mois d’avril, je suis allé à Athènes, et me suis retrouvé au Musée d’Art Contemporain et j’y ai vu deux aquarelles de Chu Teh Chun. C’étaient deux aquarelles très figuratives, une d’un paysage et l’autre d’un groupe de soldats, et c’est à ce moment que je me suis dit qu’il fallait vraiment que je connaisse toute l’histoire de ce personnage. Cette année de préparation de son éloge, va donc me permettre de faire connaissance avec son travail et ses œuvres.

CC : Je voudrais te proposer trois verbes, pour lancer un peu la discussion et pour que les personnes ci-présentes te connaissent davantage. Le premier c’est jouer, le deuxième c’est chercher et le troisième c’est faire. Quand je t’ai rencontré, la première chose que j’ai vu c’est le petit sourire qui se dessine si naturellement sur tes lèvres. On a parfois tendance, quand on parle d’art et de création, à avoir un certain sens de la gravité, mais avec toi, l’on entre dans un monde de jeux entre des symboles, des matières, des objets, des situations...

FH : Il y a toujours tant de choses à faire, il y a le plaisir de pouvoir travailler, de pouvoir rencontrer des gens...

Etant tout jeune, je voulais faire plein de métiers : être nez-parfumeur, puis astronaute, puis ingénieur, puis clown. Pour rassembler tout cela, à un moment donné, un instituteur m’avait demandé ce que je voulais faire quand je serais grand, et puis j’avais répondu « vieux ». Je voulais être vieux parce que j’étais fasciné par les gens qui étaient âgés, qui avaient de l’expérience et qui racontaient des histoires...

Et puis lors de mes études de mathématiques, j’ai réalisé que le seul métier que je voulais faire était celui d’artiste. Je suis entré aux Beaux-Arts de Nantes et j’ai tout de suite travaillé.

En effet, dès ma deuxième année aux Beaux-arts, j’avais déjà mon indépendance, j’avais déjà mon atelier et j’ai commencé par des œuvres personnelles importantes. J’ai fait mon premier tableau à ce moment-là, qui était le mètre carré de rouge à lèvre, alors que j’avais 19 ou 20 ans.

[endif]--CC : D’où vient cette idée de mètre carré de rouge à lèvre ? Pourquoi à ce moment-là tu as décidé de le faire, quelle place cela a pris dans le paysage de l’art contemporain français et comment cela a été reçu ?

Un mètre carré de rouge à lèvre, rouge à lèvre sur bois, 1981


FH : Je voulais tout d’abord « mesurer la beauté » – j’écrivais des phrases comme ça dans un carnet et celle-là m’a particulièrement interpelé. Il y avait aussi le tableau « Le Baiser », d’Edvard Munch, qui

e fascinait. On y voit deux personnages qui s’embrassent et qui deviennent une sorte de masse. Et puis surtout il y avait le tableau de Kupka « La Gigolette », un tableau où il y avait juste le rouge à lèvres qui était en aplat; En ce qui concerne la production de ce mètre carré de rouge à lèvre, je suis allé chercher dans un magasin j’ai demandé à la vendeuse combien couvrait un tube de rouge à lèvre. Alors elle a bien sûr cru qu’il s’agissait d’une plaisanterie. J’en ai acheté un, et donc j’ai couvert et cela faisait 17 cm par 17 cm. Donc j’ai décidé qu’il me fallait 20 tubes. Et pour en acheter 20, je n’avais pas assez d’argent, alors je me suis dit que j’allais contacter l’entreprise. Et j’ai appelé l’entreprise « Lilian France » et comme j’étais étudiant à l’école des Beaux-Arts, ils m’ont envoyé 20 tubes de rouge à lèvre.

Ensuite, je me suis confronté à l’idée de la conservation. J’ai dû inventer un système, prendre des rouges à lèvre en plus, et recouvrir de rouge à lèvre pour réactiver l’œuvre quand il y en avait besoin. C’était donc vraiment de l’art contemporain, une autre façon de voir une œuvre. Tout était déconstruit en permanence, c’est cela qui m’a plu.

CC : Tu es très jeune, tu proposes ce geste très « limite », comment cela est-il perçu ?

FH : Chaque œuvre que je créais à ce moment-là était un sujet de débat, de questionnements, qui ont fait que j’ai été mis à l’écart très vite. Cela dit, dès ma première exposition personnelle, j’avais déjà travaillé sur la communication de mon travail et imaginé que toute la communication de mon travail serait verte. Ensuite, je voulais créer une société de production, que j’ai d’ailleurs créée en 1992.

Et parallèlement je dessinais beaucoup – je voulais savoir si j’étais capable de dessiner exactement ce que je pensais. En général mes dessins sont des projets – ce n’est pas une esthétique ou quelque chose, c’est toujours un projet.

CC : Nous avons intitulé cette rencontre « dépasser la limite ». Dans ton travail, il y a aussi quelque chose de l’ordre du changement d’échelle permanente ?

Le plus gros savon du monde – Traduction, savon de Marseille moulé dans une benne d'acier blanchie, 1991

C’était le moment où l’on commençait à faire des sculptures très monumentales et moi je ne voulais pas faire une sculpture monumentale, je voulais faire une sculpture massive. Je voulais faire quelque chose d’érotique, dans la masse du corps. Le savon fait exactement ma taille : il est massif mais il n’est pas haut. Et en même temps j’ai produit une autre œuvre qui s’appelle l’Homme de Bessines, qui est exactement la moitié de ma taille.

CC : Aujourd’hui il y a beaucoup d’artistes qui sont dans ton sillage, dans tes traces, qui jouent constamment au changement d’échelle.

Et pour ce qui concerne les hommes de Bessines, et pour notre public chinois qui connait encore peu Fabrice Hyber, l’homme de Bessines est devenu une sorte de « marque Hyber ».

FH : Cet homme de Bessines était au départ une commande de la ville de Bessines. Ils voulaient une œuvre, mais ils ne savaient pas quoi en faire, et ils ne voulaient pas d’œuvre monumentale, rien d’imposant, mais plutôt quelque chose qui soit intégré dans le paysage.

Hommes de Bessines, fontaine, Shanghai, Chine, 2011

L’homme de Bessines est sans limites, il est numéroté sur l’infini – existe en plusieurs matières, comme en porcelaine ou en vermeil par exemple, et il existe aussi en moule à composte.

CC : C’est sans limites ? aucune pièce unique ? qu’est-ce qu’une œuvre alors ?

FH : Je touche aux limites des choses. L’œuvre doit exister à un moment donné indépendamment de moi, c’est-à-dire qu’elle ne m’appartient plus, et peut être même que l’œuvre doit être fabriquée par les autres.

Ce qui m’intéresse c’est le partage du savoir-faire, et aussi de comprendre comment on produit une œuvre.

CC : Quel rapport avec le geste de l’artisan ?

FH : La différence entre l’artiste et l’artisan, c’est que l’artiste va pousser la limite des choses, les bousculer, jouera avec. La chose artisanale est mesurée alors que l’artiste est illimité.

CC : Dans ce rapport à la production, l’on voit que ta relation à l’industrie est importante, mais il y a plus, car le « Fabrice Hyber scientifique » existe également. Ta relation à l’Institut Pasteur est à ce titre révélatrice de cette recherche permanent.

FH : La relation avec l’Institut Pasteur est issue d’une commande pour un projet pour le Sidaction, afin d’informer les gens sur ce qui s’était passé dans la lutte contre le Sida. J’ai proposé d’inventer un milieu d’information pérenne sur ce qui s’était passé depuis vingt ans dans ce combat.

Cela a donné une œuvre qui fait 1001 mètres carrés avec 16 000 dessins, en céramique peinte. Mais surtout j’ai commencé à travailler avec l’Institut Pasteur à ce moment-là. Petit à petit, une relation de confiance s’est mise en place, ils m’ont demandé de faire des projets d’exposition, et puis j’ai proposé de chercher à mieux informer les chercheurs sur leur façon de travailler leurs dessins. J’ai donc travaillé sur un projet pour faire intervenir des artistes à l’Institut Pasteur auprès des chercheurs. J’ai par là même créé une organisation qui s’appelle Organoïde.org, qui permet de créer ce pont entre les artistes et les chercheurs. Ainsi, quand un chercheur a besoin d’une image dans ses recherches, les artistes peuvent créer des images pour eux, ce qui permet d’avoir une grande banque de données.

CC : Encore un geste efficace et concret qui pose des passerelles inattendues entre des mondes qui ne se seraient probablement pas rencontrés. A ce titre, j’aimerais que tu nous dises un mot sur cette belle initiative les « réalisateurs ».

L'artère, le jardin des dessins, céramique, œuvre réalisée à Monterre (Mexique) entre 2003 et 2006 en mémoire des victimes du SIDA

céramique

CC : Déplacer les frontières et dépasser les limites sert à proposer de nouveaux regards sur le monde, mais aussi dans le monde, issu du monde lui-même, qu’il s’agisse du monde industriel, urbain, scientifique. C’est un geste d’une grande générosité. Merci Fabrice et à très bientôt j’espère à Yishu 8.

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